Ségur de la Santé : les propositions de la Mutualité Française

A l’appui de son important réseau de prévention, des 35 millions de personnes qu’elle protège en assurance santé et de son offre de soins et de services pour tous les Français la Mutualité Française, premier réseau du secteur privé non lucratif, a apporté sa contribution aux débats du « Ségur de la Santé ».

Parmi les propositions :

  • Les Français doivent pouvoir vivre en bonne santé le plus longtemps possible. La prévention y tient un rôle fondamental. La Mutualité Française propose de transférer aux Régions la compétence de la prévention.
  • Tous les Français doivent pouvoir accéder, à des soins de qualité. La Mutualité Française propose que soient généralisés des espaces de santé pluriprofessionnels pour le 1er recours aux soins et qu’il soit mis fin à l’exercice isolé des professionnels de santé à l’horizon de 5 ans.
  • La Mutualité Française propose de réinventer le modèle de l’Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) pour renforcer ses compétences médicales et les ouvrir sur le territoire, afin d’en faire un centre de ressources gériatriques et permettre le choix du maintien à domicile, même en cas de dépendance lourde.
  • La crise a montré les limites du fonctionnement des Agences Régionales de Santé (ARS). La Mutualité Française propose de renforcer la démocratie sanitaire et de recentrer les ARS autour de deux missions régaliennes : la sécurité sanitaire et la régulation de l’offre. Les ARS doivent piloter l’offre de santé avec neutralité et mieux prendre en compte la complémentarité des différents acteurs, publics comme privés.
  • La crise a également rappelé la nécessité de maîtriser la chaîne d’approvisionnement sanitaire. La Mutualité Française propose de restaurer notre souveraineté et de revoir nos politiques de recherche, de stock et de distribution.

La prévention : une compétence à transférer aux Régions

C’est en améliorant l’état de santé général de la population que l’on renforce son « immunité » face à tous les risques de santé. Il est impératif de créer une culture de la santé publique et des réflexes de prévention au sein des institutions et chez les citoyens.

La Mutualité Française propose, pour atteindre cet objectif, de transférer aux Régions la compétence de la prévention avec les moyens aujourd’hui alloués au Fonds d’intervention régional (FIR) et aux ARS. Les Régions pourront ainsi décliner ces stratégies de prévention avec l’ensemble des parties prenantes et opérateurs (employeurs, écoles, professionnels de santé, notamment via les espaces de santé pluriprofessionnels, caisses de sécurité sociale, mutuelles, associations).

La Mutualité Française propose également d’étendre l’obligation de vaccination, par exemple pour la grippe, à tous les professionnels intervenant auprès de personnes à risque (personnels soignants, agents des hôpitaux, Ehpad, petite enfance,… ).

D’autre part, pour agir sur des déterminants qui dépassent le cadre du soin, la Mutualité Française propose de rendre le Nutri-Score obligatoire au 1er janvier 2022 et d’appliquer aux produits classés A (meilleure qualité nutritionnelle) le taux hyper réduit de TVA de 2,1 %. Cette mesure, plébiscitée par les Français, est un levier fort pour faire évoluer la composition des aliments des produits agroalimentaires.

Regroupement des professionnels de santé systématique

Le cloisonnement des acteurs de santé, le morcellement de l’offre de soin de 1er recours et la difficulté de partager l’information médicale sont malheureusement constatés depuis trop longtemps. A cela s’ajoutent une organisation des parcours et une orientation des patients compliquées. En conséquence, l’hôpital est trop souvent le réflexe de bon nombre de Français, par choix ou par défaut. Un phénomène accentué lors de la crise sanitaire.

Afin de réconcilier les besoins des patients avec les aspirations des professionnels, l’offre de soins doit engager une mutation profonde pour abandonner progressivement l’exercice isolé des professionnels de santé du 1er recours et permettre au secteur hospitalier de se recentrer sur ses missions.

Les professionnels de santé sont désormais prêts à cette transformation : seuls 3 % des internes envisagent aujourd’hui un exercice libéral isolé. L’exercice regroupé, dans le cadre d’une activité mixte, libérale en groupe ou en maison de santé pluridisciplinaire, est largement plébiscité par 72 % d’entre eux (enquête de la commission jeunes du Conseil National de l’Ordre des Médecins en 2019).

La Mutualité Française propose de mettre fin à l’exercice isolé et de faire de l’exercice systématique des professionnels de santé en équipe et en réseau au sein d’Espaces de Santé Pluriprofessionnel (ESP) la règle à un horizon de 5 ans. Pour y parvenir, plusieurs leviers sont proposés :

  • La minoration sensible de la rémunération des professionnels du 1er recours intervenant en dehors d’un ESP.
  • La rémunération au forfait des soins faisant intervenir plusieurs professionnels.

Ces modes de financement doivent être lisibles pour les acteurs et associer tous les financeurs, en particulier les organismes complémentaires.

Perte d’autonomie : la liberté de choix

Les dysfonctionnements du système de santé sont encore plus aigus pour les personnes âgées en situation de perte d’autonomie. En outre, si l’âge est incontestablement un facteur de risque d’aggravation de l’état de santé des personnes ayant contracté la Covid-19, la crise sanitaire a aussi mis en exergue les carences du modèle de l’Ehpad tel qu’il existe aujourd’hui, faiblement médicalisé et structurellement en marge des préoccupations des autorités sanitaires. En effet, alors qu’ils représentent moins d’1 % de la population française, les résidents en Ehpad auront représenté plus de la moitié des décès liés à la Covid-19 (DREES, INSEE).

Pour mettre en place un accompagnement de la perte d’autonomie qui garantisse pour chacun la liberté de choix du lieu de vie, la Mutualité Française propose notamment de refondre le modèle de l’Ehpad, renforcer ses compétences médicales et les ouvrir sur le territoire, afin d’en faire un centre de ressources gériatriques.

En effet, pour mieux accompagner la prise en charge des personnes en perte d’autonomie, les Ehpad doivent être davantage médicalisés notamment par la salarisation de médecins généralistes, la présence d’infirmières en pratiques avancées, y compris la nuit, l’équipement médical de certains lits et la création de nouveaux postes de soignants (coordonnateur de parcours). Les Ehpad doivent aussi contractualiser avec l’Espace de Santé Pluriprofessionnel et l’offre hospitalière.

Par ailleurs, les Ehpad doivent constituer des plates-formes gériatriques de proximité proposant un bouquet de services modulables et adaptés aux personnes à domicile : télésurveillance 24H/24H, équipes mobiles, télémédecine, dispositifs de répit pour les aidants ou aide aux démarches administratives par exemple.

Les Agences régionales de santé doivent revoir leur organisation

L’organisation administrative des ARS et la multiplicité de leurs missions ont complexifié leur gestion de la crise. Dans l’urgence, les ARS ont organisé une réponse privilégiant le système hospitalier, notamment public. Ce faisant, au moins dans un premier temps, et aussi du fait de l’absence de structuration du 1er recours, elles se sont privées de la moitié des ressources de soins. Les ARS avaient été créées notamment pour mettre fin à l’hospitalo-centrisme. La gestion de la crise dans certains territoires démontre que l’objectif n’est pas toujours atteint.
Pour répondre aux besoins des usagers et à l’aspiration légitime d’équité entre les territoires et de lutte contre les disparités territoriales, le système de santé doit être régulé par les besoins des patients et non plus par l’offre.

La Mutualité Française propose notamment que les ARS se transforment en « régulatrices des services rendus à la population ». Pour ce faire, elles doivent se détacher de leur ambiguïté vis-à-vis du secteur hospitalier public et s’assurer en neutralité de la complémentarité et des subsidiarités entre tous les acteurs. Par ailleurs, les usagers et les collectivités représentées au sein des Conférences régionales de la santé et de l'autonomie (CRSA) doivent être davantage associés aux décisions des ARS. La CRSA doit pouvoir formuler des avis opposables et doit pouvoir, à la majorité qualifiée, s’opposer à l’adoption du projet régional de santé.

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